Hubert Félix Thiefaine

Quelques chansons de cette auteur qu'on aurait qualifié autrefois de " poète maudit "


Alligators 427

Alligators 427 aux ailes de cachemire safran je grille ma dernière cigarette je vous attends
Sur cette autoroute hystérique qui nous conduit chez les mutants
j'ai troqué mon coeur contre une trique je vous attends
Je sais que vous avez la beauté destructive et le sourire vainqueur jusqu'au dernier soupir
Je sais que vos mâchoires distillent l'agonie
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

Alligators 427 à la queue de zinc et de sang je m'tape une petite reniflette je vous attends
Dans cet étrange carnaval on a vendu l'homo sapiens pour racheter du Néandertal je vous attends
Et les manufactures ont beau se recycler y aura jamais assez de morphine pour tout le monde
Surtout qu'à ce qu'on dit, vous aimez faire durer
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

Alligators 427 aux longs regards phosphorescents je mouche mon nez, remonte mes chaussettes je vous attends
Et je bloque mes lendemains je sais que les mouches s'apprêtent autour des tables du festin je vous attends
Et j'attend que se dressent vos prochains charniers j'ai raté l'autre guerre pour la photographie
J'espère que vos macchabes seront bien faisandés
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

Alligators 427 aux crocs venimeux et gluants je donne un coup de brosse à mon squelette je vous attends
L'idiot du village fait la queue et tend sa carte d'adhérent pour prendre place dans le grand feu je vous attends
J'enttends siffler le vent au-dessus des calvaires et je vois les vampires sortir de leurs cercueils
Pour venir saluer les anges nucléaires
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

Alligators 427 aux griffes d'or et de diamant je sais que la ciguë est prête je vous attends
Je sais que dans votre alchimie l'atome ça vaut des travellers-chèques et ça suffit comme alibi je vous attends
A l'ombre de vos centrales je crache mon cancer je cherche un nouveau nom pour ma métamorphose
Je sais que mes enfants s'appelleront vers de terre
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

Alligators 427 au cerveau de jaspe et d'argent il est temps de sonner la fête je vous attends
Vous avez le goût du grand art et sur mon compteur électrique j'ai le portrait du prince-ringard je vous attends
Je sais que désormais vivre est un calembour la mort est devenue un état permanent
Le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours
Moi je vous dis : bravo et vive la mort !


Mathématiques soutérraines

Pauvre petite fille sans nourrice arrachée du soleil il pleut toujours sur ta valise et t'as mal aux oneilles
tu zones toujours entre deux durs entre deux SOS tu veux jouer ton aventure mais t'en crèves au réveil...
tu fais toujours semblant de rien tu craques ta mélanco de 4 à 5 heures du matin au fond des caboulots
et tu remontes à contrecoeur l'escalier de service tu voudrais qu'y ait des ascenseurs au fond des précipices

oh ! mais laisse allumé, bébé y a personne au contrôle
et les dieux du radar sont tous out et toussent et se touchent et se poussent et se foutent et se broutent
oh ! mais laisse allumé, bébé y a personne au contrôle
et les dieux du radar sont tous out et toussent et se touchent et se poussent et se foutent et se mouchent
dans la soute à cartouches...

maintenant du m'offres tes carences tu cherches un préambule
quelque chose qui nous foute en transe qui fasse mousser nos bulles
mais si t'as peur de nos silences reprends ta latitude
il est minuit sur ma fréquence et j'ai mal aux globules

oh ! mais laisse allumé, bébé y a personne au contrôle
et les dieux du radar sont tous out et toussent et se touchent et se poussent et se foutent et se broutent
oh ! mais laisse allumé, bébé y a personne au contrôle
et les dieux du radar sont tous out et toussent et se touchent et se poussent et se foutent et se mouchent
dans la soute à cartouches... (ad lib.)


Exil sur planète fantome

En ce temps-là nos fleurs vendaient leur viande aux chiens
et nous habitions tous de sordides tripots
avec des aiguillages pour nos petits matins
quand le beau macadam nous traitait de salauds
nous traitait de salaud

nous vivions nos vertiges dans des vibrations folles
et gerbions nos enzymes en nous gueulant : moteur !
mais entre deux voyages / entre deux verres d'alcool
nous n'avions pas le temps de décompter nos heures
de décompter nos heures

nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie
en même temps que fantômes conscients d'être mort-nés
nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie ...

en ce temps-là le rien s'appelait quotidien
et nous allions pointer dans les jobs interdits
dans les musiques blêmes / dans les sombres parfums
dans les dédales obscurs où plane la folie
où plane la folie

et nous avions des gueules à briser les miroirs
à ne montrer nos yeux que dans le contre-jour
mais entre deux délires / entre deux idées noires
nous étions les plus beaux / nous vivions à rebours
nous vivions à rebours

nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie
en même temps que fantômes conscients d'être mort-nés
nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie...

en ce temps-là les gens s'appelaient citoyens
nous, nous étions mutants / nous étions androgynes
aujourd'hui la tempête a lynché mes copains
et je suis le dernier à rater mon suicide
à rater mon suicide

mais je veux vivre encore plus ivre de cramé
je veux ronger le mal jusque dans ses recoins
j'ai traîné mes vingt siècles d'inutilité
je n'ai plus rien à perdre / mais j'en veux pour ma fin
j'en veux pour ma faim


Affaire Rimbaud

La jambe de Rimbaud de retour à Marseille
comme un affreux cargo chargé d'étrons vermeils
dérive en immondices à travers les égouts
la beauté fut assise un soir sur ce genou

Horreur Harar Arthur & tu l'as injuriée
Horreur Harar Arthur tu l'as trouvée amère .../... la beauté ?

une saison en enfer foudroie l'Abyssinie
ô sorcière ô misère ô haine ô guerre voici
le temps des assassins que tu sponsorisas
en livrant tous ces flingues au royaume de Choa

Horreur Harar Arthur ô Bentley ô châteaux
Horreur Harar Arthur quelle âme, Arthur est .../... sans défaut ?

les poètes aujourd'hui ont la farce plus tranquille
quand ils chantent au profit des derniers Danâkil
juste une affaire d'honneur mouillée de quelques larmes
c'est quand même un des leurs qui fournissait les armes

Horreur Harar Arthur t'es vraiment d'outre-tombe
Horreur Harar Arthur & pas de commission
Horreur Harar Arthur & pas de cresson bleu
Horreur Harar Arthur où la lumière pleut


Errer humanum est

Hé ! mec
voici les photos de nos routes prises d'avion par nuit de brouillard
dans ce vieux catalogue des doutes aux pages moisies par le hasard
à toujours vouloir être ailleurs pyromanes de nos têtes brûlées
on confond les batt'ments du coeur avec nos diesels encrassés

à toujours voir la paille plantée dans la narine de son voisin
on oublie la poutre embusquée qui va nous tomber sur les reins
et l'on pousse à fond les moteurs à s'en faire péter la turbine
c'est tellement classe d'être loser surtout les matins où ça winne

bourlinguer... errer errer humanum est bourlinguer... errer errer humanum est
toujours plus loin à fond la caisse
et toujours toujours plus d'ivresse
oh yes always on the road again man
on the road again man ...

Gauguin sans toile et sans pinceau revisité en Bardamu
ou bien en Cortes ou Corto aventuriers des graals perdus
on fait Nankin-Ouagadougou pour apprendre le volapük
et on se r'trouve comme kangourou dans un zoo qui prend les TUC

bourlinguer... errer errer humanum est bourlinguer... errer errer humanum est

aplatis comme de vieilles pizzas lâchées d'un Soyouz en détresse
on cherche une nova cognita avec un bar et d' la tendresse
mais trop speedés pour les douceurs on balance vite les p'tites frangines
pas prendre pour un courrier du coeur les pulsions des glandes endoctrines

bourlinguer... errer errer humanum est bourlinguer... errer errer humanum est
toujours plus loin à fond la caisse et toujours toujours plus d'ivresse
oh yes always on the road again man
on the road again man ...


Les dingues et les paumés

Les dingues et les paumés jouent avec leurs manies
dans leurs chambres blindées leurs fleurs sont carnivores
et quand leurs monstres crient trop près de la sortie
ils accouchent des scorpions et pleurent des mandragores
et leurs aéroports se transforment en bunkers
à quatre heures du matin derrière un téléphone
quand leurs voix qui s'appellent se changent en revolvers
et s'invitent à calter en se gueulant come on

les dingues et les paumés se cherchent sous la pluie
et se font boire le sang de leurs visions perdues
et dans leurs yeux-mescal masquant leur nostalgie
ils voient se dérouler la fin d'une inconnue
ils voient des rois-fantômes sur des flippers en ruine
crachant l'amour-folie de leurs nuits-métropoles
ils croient voir venir Dieu ils relisent Hölderlin
et retombent dans leurs bras glacés de baby-doll

les dingues et les paumés se traînent chez les Borgia
suivis d'un vieil écho jouant du rock 'n' roll
puis s'enfoncent comme des rats dans leurs banlieues by night
essayant d'accrocher un regard à leur khôl
et lorsque leurs tumbas jouent à guichet fermé
ils tournent dans un cachot avec la gueule en moins
et sont comme les joueurs courant décapités
ramasser leurs jeton chez les dealers du coin

les dingues et les paumés s'arrachent leur placenta
et se greffent un pavé à la place du cerveau
puis s'offrent des mygales au bout d'un bazooka
en se faisant danser jusqu'au dernier mambo
ce sont des loups frileux au bras d'une autre mort
piétinant dans la boue les dernières fleurs du mal
ils ont cru s'enivrer des chants de Maldoror
et maintenant ils s'écroulent dans leur ombre animale

les dingues et les paumés sacrifient don Quichotte
sur l'hôtel enfumé de leurs fibres nerveuses
puis ils disent à leur reine en riant du boycott
la solitude n'est plus une maladie honteuse
reprends tes walkyries pour tes valseurs maso
mon cheval écorché m'appelle au fond d'un bar
et cet ange qui me gueule viens chez moi mon salaud
m'invite à faire danser l'aiguille de mon radar


Je t'en remets au vent

D'avoir voulu vivre avec moi t'as gâché deux ans de ta vie
deux ans suspendue à ta croix à veiller sur mes insomnies
pourtant toi tu as tout donné et tout le meilleur de toi-même
à moi qui ai tout su garder toujours replié sur moi-même ...

mon pauvre amour, sois plus heureuse maintenant mon pauvre amour,
je t'en remets au vent ...

toi tu essayais de comprendre ce que mes chansons voulaient dire
agenouillée dans l'existence tu m'encourageais à écrire
mais moi je restais hermétique indifférent à tes envies
à mettre sa vie en musique on en oublie parfois de vivre ...

mon pauvre amour, sois plus heureuse maintenant mon pauvre amour,
je t'en remets au vent ...

tout est de ma faute en ce jour et je reconnais mes erreurs
indifférent à tant d'amour j'accuse mes imbuvables humeurs
mais toi ne te retourne pas va droit sur ton nouveau chemin
je n'ai jamais aimé que moi et je reste sans lendemain ...

mon pauvre amour, sois plus heureuse maintenant mon pauvre amour,
je t'en remets au vent (bis)


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