Maxime Leforestier
 
Ami

Les mêmes matins d'hiver les mêmes yeux mal ouverts
Les mêmes détresses
Les mêmes genoux griffés pour trouver à l'arrivée
La même maîtresse
On se répétait sans cesse

Ami ami
Contre tous les coups du sort de la journée on sera deux
Ami ami
À la vie comme à la mort plus emmêlés que nos cheveux

Quand trop vite on a grandi on se retrouve transis
Loin des jeux de billes
Sous nos boutons de malheur à se torturer le coeur
Pour la même fille
Est-ce assez pour qu'on oublie?

Ami ami
On a le sens de l'humour quand sont trop lourds ces chagrins-là
Ami ami
À la vie comme à l'amour chacun son tour les portera

Tant d'histoires partagées de coups de coeur échangés
D'amours et d'insultes
Pour ne pas s'apercevoir qu'on est dix ans sans se voir
Dans tout ce tumulte
Pour se retrouver adultes

Ami ami
On n'a plus rien à se dire on a fini par arriver
Doucement à devenir deux abrutis deux étrangers
 


San Francisco

C'est une maison bleue
Adossée à la colline
On y vient à pied
On ne frappe pas
Ceux qui vivent là ont jeté la clé
On se retrouve ensemble
Après des années de route
Et on vient s'asseoir
Autour du repas
Tout le monde est là
A cinq heures du soir

Quand San Francisco s'embrume
Quand San Francisco s'allume
San Francisco
Où êtes-vous
Lizzard et Luc
Psylvia
Attendez-moi

Nageant dans le brouillard
Enlacés roulant dans l'herbe
On écoutera Tom à la guitare
Phil à la kena jusqu'à la nuit noire
Un autre arrivera
Pour nous dire des nouvelles
D'un qui reviendra dans un an ou deux
Puisqu'il est heureux on s'endormira

Quand San Francisco se lève...

C'est une maison bleue
Accrochée à ma mémoire
On y vient à pied
On ne frappe pas
Ceux qui vivent là
Ont jeté la clé
Peuplée de cheveux longs
De grands lits et de musique
Peuplée de lumière
Et peuplée de fous
Elle sera dernière
A rester debout.

Si San Francisco s'effondre...


Mon frère

Toi le frère que je n'ai jamais eu,
Sais-tu, si tu avais vécu,
Ce que nous aurions fait ensemble ?
Un an après moi tu serais né.
Alors, on se s'rait plus quittés,
Comme deux amis qui se ressemblent...

On aurait appris l'argot par coeur.
J'aurais été ton professeur
A mon école buissonnière.
Sur qu'un jour on se serait battus,
Pour peu qu'alors, on ait connu
Ensemble la même première...

Mais... Tu n'es pas là.
A qui la faute ?
Pas à mon père...
Pas à ma mère...
Tu aurais pu chanter cela !

Toi le frère que je n'ai jamais eu
Si tu savais ce que j'ai bu
De mes chagrins en solitaire
Si tu ne m'avais pas fait faux-bond
Tu aurais fini mes chansons
Je t'aurais appris à en faire

Si la vie s'était comporté mieux,
Elle aurait divisé en deux
Les paires de gants, les paires de claques.
Elle aurait sûrement partagé
Les mots d'amour et les pavés,
Les filles et les coups de matraque...

Mais... Tu n’es pas là.
A qui la faute ?
Pas à mon père...
Pas à ma mère...
Tu aurais pu chanter cela !

Toi le frère que je n’aurai jamais,
Je suis moins seul de t’avoir fait,
Pour un instant, pour une fille.
Je t’ai dérangé. Tu me pardonnes.
Ici, quand tout vous abandonne,
On se fabrique une famille.
 


Né quelque part

On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger
Pour apprendre à marcher

Etre né‚ quelque part
Etre né‚ quelque part
Pour celui qui est né‚
C'est toujours un hasard

Nom'inqwando yes qxag iqwahasa

Y'a des oiseaux de basse cour et des oiseaux de passage
Ils savent où sont leurs nids, quand ils rentrent de voyage
Ou qu'ils restent chez eux
Ils savent où sont leurs oeufs

Etre né‚ quelque part
Etre né‚ quelque part
C'est partir quand on veut,
Revenir quand on part

Est-ce que les gens naissent
Egaux en droits
A l'endroit
Où ils naissent

Nom'inqwando yes qxag iqwahasa

Est-ce que les gens naissent
Egaux en droits
A l'endroit
Où ils naissent
Que les gens naissent
Pareils ou pas

On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger
Pour apprendre à marcher

Je suis né‚ quelque part
Je suis né‚ quelque part
Laissez-moi ce repère
Où je perds la mémoire

Nom'inqwando yes qxag iqwahasa


Comme un arbre

Comme un arbre dans la ville
Je suis né dans le béton
Coincé entre deux maisons
Sans abri, sans domicile
Comme un arbre dans la ville

Comme un arbre dans la ville
J'ai grandi loin des futaies
Où mes frères des forêts
Ont fondé une famille
Comme un arbre dans la ville

Entre béton et bitume
Pour pousser je me débats
Mais mes branches volent bas
Si près des autos qui fument
Entre béton et bitume

Comme un arbre dans la ville
J'ai la fumée des usines
Pour prison et mes racines
On les recouvre de grilles
Comme un arbre dans la ville

Comme un arbre dans la ville
J'ai des chansons sur mes feuilles
Qui s'envoleront sous l'oeil
De vos fenêtres serviles
Comme un arbre dans la ville

Entre béton et bitume
On m'arrachera des rues
Pour bâtir ou j'ai vécu
Des parkings d'honneur posthumes
Entre béton et bitume

Comme un arbre dans la ville
Ami, fais après ma mort
Barricades de mon corps
Et du feu de mes brindilles
Comme un arbre dans la ville


Education sentimentale

Ce soir, à la brune, nous irons, ma brune
Cueillir des serments
Cette fleur sauvage qui fait des ravages
Dans les coeurs d'enfants
Pour toi, ma princesse, j'en ferai des tresses
Et dans tes cheveux
Ces serments, ma belle, te rendront cruelle
Pour tes amoureux

Demain, à l'aurore, nous irons encore
Glaner dans les champs
Cueillir des promesses, des fleurs de tendresse
Et de sentiments
Et sur la colline, dans les sauvagines,
Tu te coucheras
Dans mes bras, ma brune, éclairée de lune,
Tu te donneras

C'est au crépuscule, quand la libellule
S'endort au marais
Qu'il faudra, voisine, quitter la colline
Et vite rentrer
Ne dis rien, ma brune, pas même à la lune
Et moi dans mon coin
J'irai solitaire, je saurai me taire
Je ne dirai rien

Ce soir, à la brune, nous irons, ma brune
Cueillir ...


La petite fugue (tirée de la mémoire de Bebel)

C'était toujours la même
Mais on l'aimait quand même
La fugue d'autrefois
Qu'on jouait tous les trois
On était malhabiles
Elle était difficile
La fugue d'autrefois
Qu'on jouait tous les trois

Eléonore attaquait le thème au piano
On trouvait ça tellement beau
Qu'on en arrêtait de jouer pour l'écouter
Elle s'arrêtait brusquement et nous regardait
Du haut de son tabouret
Et disait reprenez mi fa mi fa mi ré

C'était toujours la même
Mais on l'aimait quand même
La fugue d'autrefois
Qu'on jouait tous les trois
On était malhabiles
Elle était difficile
La fugue d'autrefois
Qu'on jouait tous les trois

Souviens-toi qu'un violon fut jeté sur le sol
Car c'était toujours le sol
Qui gênait Nicolas quand il était bémol
Quand les voisins commençaient à manifester
C'était l'heure du goûter
Salut Jean-Sébastien et à jeudi prochain

Un jour Eléonore a quitté la maison
Emportant le diapason
Depuis ce jour nous n'accordons plus nos violons
L'un après l'autre nous nous sommes dispersés
La fugue seule est restée
Et chaque fois que je l'entends c'est le printemps


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