Notre sentier
Les blés sont mûrs et la terre est mouillée
Les grands labours dorment sous la gelée
L'oiseau si beau hier s'est envolé
La porte est close sur le jardin fané
Comme un vieux râteau oublié
Sous la neige je vais hiverner
Photos d'enfants qui courent dans les prés
Seront mes seules joies pour passer l'été
Mes cabanes d'oiseaux sont vidées
Le vent pleure dans ma cheminée
Et dans mon coeur je m'en vais composer
L'hymne au printemps pour celle qui m'a quitté
Quand mon amie viendra par la rivière
Au mois de mai après le dur hiver
Je sortirai bras nus dans la lumière
Et lui dirai le salut de la terre
Vois les fleurs ont recommencé
Dans l'étable crient les nouveaux-nés
Viens voir la vieille barrière rouillée
Endimanchée de toiles d'araignées
Les bourgeons sortent de la mort
Papillons ont des manteaux d'or
Près du ruisseau sont alignées les fées
Et les crapeaux chantent la liberté
Et les crapeaux chantent la liberté
C'est un p'tit bonheur que j'avais ramassé
Il était tout en pleurs sur le bord d'un fossé
Quand il m'a vu passer il s'est mis à crier
Monsieur ramassez-moi chez-vous amenez-moi
Mes frères m'ont oubliés je suis tombé je suis
malade
Si vous ne me cueillez point je vais mourir quelle balade
Je me ferai petit tendre et soumis je vous le jure
Monsieur je vous en prie délivrez-moi de ma torture
J'ai pris le p'tit bonheur l'ai mis sous mes haillons
J'ai dit "faut pas qu'y meure viens-t-en dans ma maison
Alors le p'tit bonheur a fait sa guérison
Sur le bord de mon coeur y'avait une chanson
Mes jours, mes nuits, mes peines, mes deuils, mon mal tout fût
oublié
Ma vie de désoeuvré j'avais dégoût d'la
recommencer
Quand il pleuvait dehors ou que mes amis m'faisaient des peine
J'prenais mon p'tit bonheur et j'lui disait c'est toi ma reine
Mon bonheur a fleuri il a fait des bourgeons
C'était le paradis ça s'voyait sur mon front
Or un matin joli que je sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti sans me donner la main
J'eu beau le supplier le cajoler lui faire des scènes
Lui montrer le grand trou qu'il me faisait au fond du coeur
Il s'en allait toujours la tête haute, sans joie, sans haine
Comme s'il ne pouvait plus voir le soleil dans ma demeure
J'ai bien pensé mourir de chagrin et d'ennui
J'avais cessé de rire c'était toujours la nuit
Il me restait l'oubli il me restait le mépris
Enfin que je me suis dit il me reste la vie
J'ai repris mon bâton, mes deuils, mes peines et mes guenilles
Et je bat la semelle dans des pays de malheureux
Aujourd'hui quand je vois une fontaine ou une fille
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux
1 Notre sentier près du ruisseau
Est déchiré par les labours
Si tu venais fixe le jour
Je t'attendrais sous le bouleau
Les nids sont vides et décousus
Le vent du Nord chasse les feuilles
Les alouettes ne volent plus,
Ne dansent plus les écureuils
Même les pas de tes sabots
Sont agrandis en flaques d'eau
2 Notre sentier près du ruisseau
Est déchiré par les labours
Si tu venais fixe le jour
Je guetterais sous le bouleau
J'ai réparé un nid d'oiseau
Je l'ai cousu de feuilles mortes
Mais si tu vois sur tous les clôts
Les rendez-vous de noirs corbeaux
Vas-tu jeter en flaques d'eau
Tes souvenirs et tes sabots ?
3 Tu peux pleurer près du ruisseau
Tu peux briser tout mon amour
Oublie l'été, oublie le jour
Oublie mon nom et le bouleau.