J'ai fait un bail de trois six neuf aux adjectifs
Qui viennent se dorer le mou à ma lanterne
Et j'ai joué au casino les subjonctifs
La chemise à Claudel et les cons dits "modernes"
Le dictionnaire et le porto à découvert
Je débourre des mots à longueur de pelure
J'ai des idées au frais de côté pour l'hiver
À rimer le bifteck avec les engelures
Cependant que Tzara enfourche le bidet
À l'auberge dada la crotte est littéraire
Le vers est libre enfin et la rime en congé
On va pouvoir poétiser le prolétaire
Littérature obscène inventée à la nuit
Onanisme torché au papier de Hollande
Il y'a partouze à l'hémistiche mes amis
Et que m'importe alors Jean Genet que tu bandes
La poétique libérée c'est du bidon
Poète prends ton vers et fous lui une trempe
Mets-lui les fers aux pieds et la rime au balcon
Et la muse sera sapée comme une vamp
Que l'image soit rogue et l'épithète au poil
La césure sournoise certes mais correcte
Tu peux vêtir ta muse ou la laisser à poil
Ses seins oblitérés par ton verbe arlequin
Gonfleront goulûment la voile aux devantures
Solidement gainée ta lyrique putain
Tu pourras la sortir dans la littérature
Le fardeau blême qu'on emballe
Comme un paquet vers les étoiles
Qui tombent froides sur la dalle
Et cette rose sans pétale
Cet avocat à la serviette
Cette aube qui met la voilette
Pour des larmes qui n'ont peut-être
NI DIEU NI MAITRE
Ces bois qu'on dit de justice
Et qui poussent dans les supplices
Et pour meubler le Sacrifice
Avec le sapin de service
Cette procédure qui guette
Ceux que la Société rejette
Sous prétexte qu'ils n'ont peut-être
NI DIEU NI MAîTRE
Cette parole d'évangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l'horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n'a pas de rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et je vous souhaite
NI DIEU NI MAîTRE NI DIEU NI MAîTRE
La solitude...
Les moules sont d'une texture nouvelle, je vous avertis.
Ils ont été coulés demain matin.
Si vous n'avez pas dès ce jour, le sentiment relatif de votre
durée,
il est inutile de regarder devant vous car devant c'est derrière,
la nuit c'est le jour.
Et...
La solitude...
Il est de toute première instance que les laveries automatiques,
au coin des rues,
soient aussi imperturbables que les feux d'arrêt ou de voie libre.
Les flics du détersif vous indiqueront la case où il
vous sera loisible de laver ce que vous croyez être votre conscience
et qui n'est qu'une dépendance de l'ordinateur neurophile qui vous
sert de cerveau.
Et pourtant...
La solitude...
Le désespoir est une forme supérieure de la critique.
Pour le moment, nous l'appellerons "bonheur",
les mots que vous employez n'étant plus "les mots" mais une
sorte de conduit à travers lequels
les analphabètes se font bonne conscience.
Mais...
La solitude...
Le Code civil nous en parlerons plus tard.
Pour le moment, je voudrais codifier l'incodifiable.
Je voudrais mesurer vos danaides démocraties.
Je voudrais m'insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit,
le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité.
La lucidité se tient dans mon froc.
T'as ton coeur à ton cou
Et l'bonheur pas en d'ssous
Jolie môme
T'as l'rimmel qui fout l'camp
C'est l'dégel des amants
Jolie môme
Ta prairie, ça sent bon
Fais en don aux amis
Jolie môme
T'es qu'une fleur du printemps
Qui s'fout d'l'heure et du temps,
T'es qu'une rose éclatée
Que l'on pose à côté,
Jolie môme
T'es qu'un brin de soleil
Dans l'chagrin du réveil,
T'es qu'une vamp qu'on éteint
Comm' une lamp' au matin
Jolie môme
Tes baisers sont pointus
Comm' un accent aigu
Jolie môme
Tes p'tits seins sont du jour
A la coque, à l'amour
Jolie môme
Ta barrièr' de frous frous
Faut s'la faire, mais c'est doux,
Jolie môme
Ta violette est l'violon
Qu'on violente et c'est bon
Jolie môme
T'es qu'une fleur de pass'temps
Qui s'fout d'l'heure et du temps,
T'es qu'une étoile d'amour
Qu'on entoile aux beaux jours,
Jolie môme
T'es qu'un point sur les "i"
Du chagrin de la vie,
Et qu'une chos' de la vie
Qu'on arrose, qu'on oublie,
Jolie môme
T'as qu'une paire de mirettes
Au poker des conquêtes
Jolie môme
T'as qu'une rime au bonheur
Faut qu'ça rime ou qu'ça pleure
Jolie môme
T'as qu'une source, au milieu,
Qu'éclabouss' du "Bon Dieu"
Jolie môme
T'as qu'une porte en voil' blanc
Que l'on pousse en chantant
Jolie môme
T'es qu'une pauv' petit' fleur
Qu'on guimauve et qui meurt
T'es qu'une femme à r'passer
Quand son âme est froissée
Jolie môme
T'es qu'une feuille de l'automne
Qu'on effeuill' monotone
T'es qu'une joie en allée
Viens chez moi la r'trouver
Jolie môme
T'es tout' nue sous ton pull
Y'a la rue qu'est maboul
Jolie môme
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie le visage et l'on oublie la voix
Le coeur quand ça bat plus s'est pas la peine d'aller
Chercher plus loin faut laisser faire et c'est très bien
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
L'autre qu'on adorait qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots entre les lignes et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
Même les plus chouett's souv'nirs ça t'as une de ces gueules
A la Galerie Farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va tout' seule
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhum' pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
Avec le temps va tout va bien
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard surtout ne prends pas froid
Avec le temps ...
Avec le temps va tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment
Avec le temps on n'aime plus ...