Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui mangent
Sur des nappes trop blanches
Des poissons ruisselants
Ils vous montrent des dents
A croquer la fortune
A décroisser la lune
A bouffer des haubans
Et ça sent la morue
Jusque dans le coeur des frites
Que leurs grosses mains invitent
A revenir en plus
Puis se lèvent en riant
Dans un bruit de tempête
Referment leur braguette
Et sortent en rotant
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dansent
En se frottant la panse
Sur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D'un accordéon rance
Ils se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expire
Alors le geste grave
Alors le regard fier
Ils ramènent leur batave
Jusqu'en pleine lumière
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui boivent
Et qui boivent et reboivent
Et qui reboivent encore
Ils boivent à la santé
Des putains d'Amsterdam
De Hambourg ou d'ailleurs
Enfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corps
Qui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles
Dans le port d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam.
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Moi je t'offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai la terre
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps
D'or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l'amour sera roi
Où l'amour sera loi
Où tu seras reine
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je t'inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai
De ces amants-là
Qui ont vu deux fois
Leurs coeurs s'embraser
Je te raconterai
L'histoire de ce roi
Mort de n'avoir pas
Pu te rencontrer
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
On a vu souvent
Rejaillir le feu
D'un ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril
Et quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Ne s'épousent-ils pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t'écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas.
Quand on n'a que l'amour
Mon amour toi et moi
Pour qu'éclatent de joie
Chaque heure et chaque jour
Quand on n'a que l'amour
Pour vivre nos promesses
Sans nulle autre richesse
Que d'y croire toujours
Quand on n'a que l'amour
Pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil
La laideur des faubourgs
Quand on n'a que l'amour
Pour unique raison
Pour unique chanson
Et unique secours
Quand on n'a que l'amour
Pour habiller matin
Pauvres et malandrins
De manteaux de velours
Quand on n'a que l'amour
A offrir en prière
Pour les maux de la terre
En simple troubadour
Quand on n'a que l'amour
A offrir à ceux-là
Dont l'unique combat
Est de chercher le jour
Quand on n'a que l'amour
Pour tracer un chemin
Et forcer le destin
A chaque carrefour
Quand on n'a que l'amour
Pour parler aux canons
Et rien qu'une chanson
Pour convaincre un tambour
Alors sans avoir rien
Que la force d'aimer
Nous aurons dans nos mains
Amis le monde entier.
Mourir en rougissant
Suivant la guerre qu'il fait
Du fait des Allemands
A cause des Anglais
Mourir baiseur intègre
Entre les seins d'une grosse
Contre les os d'une maigre
Dans un cul de basse-fosse
Mourir de frissonner
Mourir de se dissoudre
De se racrapoter
Mourir de se découdre
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé pas quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir... ô vieillir
Mourir mourir de rire
C'est possiblement vrai
D'ailleurs la preuve en est
Qu'ils n'osent plus trop rire
Mourir de faire le pitre
Pour dérider le désert
Mourir face au cancer
Par arrêt de l'arbitre
Mourir sous le manteau
Tellement anonyme
Tellement incognito
Que meurt un synonyme
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir... ô vieillir
Mourir couvert d'honneur
Et ruisselant d'argent
Asphyxié sous les fleurs
Mourir en monument
Mourir au bout d'une blonde
Là où rien ne se passe
Où le temps nous dépasse
Où le lit tombe en tombe
Mourir insignifiant
Au fond d'une tisane
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane
Ou terminer sa course
La nuit de ses mille ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir... ô vieillir
Six pieds sous terre Jojo tu chantes encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo,
Ce soir comme chaque soir
Nous refaisons nos guerres
Tu reprends Saint-Nazaire
Je refais l'Olympia
Au fond du cimetière Jojo,
Nous parlons en silence
D'une jeunesse vieille
Nous savons tous les deux
Que le monde sommeille
Par manque d'imprudence
Six pieds sous terre Jojo tu espères encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo,
Tu me donnes en riant
Des nouvelles d'en bas
Je te dis mort aux cons
Bien plus cons que toi
Mais qui sont mieux portants
Jojo,
Tu sais le nom des fleurs
Tu vois que mes mains tremblent
Et je te sais qui pleure
Pour noyer de pudeur
Mes pauvres lieux communs
Six pieds sous terre Jojo tu frères encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo.
Je te quitte au matin
Pour de vagues besognes
Parmi quelques ivrognes
Des amputés du coeur
Qui ont trop ouvert les mains
Jojo,
Je ne rentre plus nulle part
Je m'habille de nos rêves
Orphelin jusqu'aux lèvres
Mais heureux de savoir
Que je te viens déjà
Six pieds sous terre Jojo tu n'es pas mort
Six pieds sous terre Jojo je t'aime encore.