Barbara
Et un grand merci à Kees Van Veen pour cette série de textes:
L'aigle noir
Un beau jour ou peut-être une nuit
Près d'un lac je m'étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.
Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer
Près de moi, dans un bruissement d'ailes,
Comme tombé du ciel
L'oiseau vint se poser.
Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit
À son front, brillant de mille feux,
L'oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.
De son bec, il a touché ma joue
Dans ma main, il a glissé son cou
C'est alors que je l'ai reconnu
Surgissant du passé
Il m'était revenu.
Dis l'oiseau, O dis, emmène-moi
Retournons au pays d'autrefois
Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.
Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.
L'aigle noir dans un bruissement d'ailes
Prit son vol pour regagner le ciel
Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J'avais froid, il ne me restait rien
L'oiseau m'avait laissée
Seule avec mon chagrin.
Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d'un lac je m'étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.


Le soleil noir

Pour ne plus, jamais plus, vous parler de la pluie,
Plus jamais du ciel lourd, jamais des matins gris,
Je suis sortie des brumes et je me suis enfuie,
Sous des ciels plus légers, pays de paradis,
Oh, que j’aurais voulu vous ramener ce soir,
Des mers en furie, des musiques barbares,
Des chants heureux, des rires qui résonnent bizarres,
Et vous feraient le bruit d’un heureux tintamarre,
Des coquillages blancs et des cailloux salés,
Qui roulent sous les vagues, mille fois ramenés,
Des rouges éclatants, des soleils éclatés,
Dont le feu brûlerait d’éternels étés,
 
Mais j’ai tout essayé,
J’ai fait semblant de croire,
Et je reviens de loin,
Et mon soleil est noir,
Mais j’ai tout essayé,
Et vous pouvez me croire,
Je reviens fatiguée,
Et j’ai le désespoir,

Légère, si légère, j’allais court vêtue,
Je faisais mon affaire du premier venu,
Et c’était le repos, l’heure de nonchalance,
A bouche que veux-tu, et j’entrais dans la danse,
J’ai appris le banjo sur des airs de guitare,
J’ai frissonné du dos, j’ai oublié Mozart,
Enfin j’allais pouvoir enfin vous revenir,
Avec l’œil alangui, vague de souvenirs,
Et j’étais l’ouragan et la rage de vivre,
Et j’étais le torrent et la force de vivre,
J’ai aimé, j’ai brûlé, rattrapé mon retard,
Que la vie était belle et folle mon histoire,

Mais la terre s’est ouverte,
Là-bas, quelque part,
Mais la terre s’est ouverte,
Et le soleil est noir,
Des hommes sont murés,
Tout là-bas, quelque part,
Les hommes sont murés,
Et c’est le désespoir,

J’ai conjuré le sort, j’ai recherché l’oubli,
J’ai refusé la mort, j’ai rejeté l’ennui,
Et j’ai serré les poings pour m’ordonner de croire,
Que la vie était belle, fascinant le hasard,
Qui me menait ici, ailleurs ou autre part,
Où la fleur était rouge, où le sable était blond,
Où le bruit de la mer était une chanson,
Oui, le bruit de la mer était une chanson,

Mais un enfant est mort,
Là-bas, quelque part,
Mais un enfant est mort,
Et le soleil est noir,
J’entends le glas qui sonne,
Tout là-bas, quelque part,
J’entends le glas sonner,
Et c’est le désespoir,

Je ne ramène rien, je suis écartelée,
Je vous reviens ce soir, le cœur égratigné,
Car, de les regarder, de les entendre vivre,
Avec eux j’ai eu mal, avec aux j’étais ivre,
Je ne ramène rien, je reviens solitaire,
Du bout de ce voyage au-delà des frontières,
Est-il un coin de terre où rien ne se déchire,
Et que faut-il donc faire, pouvez-vous me le dire,
S’il faut aller plus loin pour effacer vos larmes,
Et si je pouvais, seule, faire taire les armes,
Je jure que, demain, je reprends l’aventure,
Pour que cessent à jamais toutes ces déchirures,

Je veux bien essayer,
Et je veux bien y croire,
Mais je suis fatiguée,
Et mon soleil est noir,
Pardon de vous le dire,
Mais je reviens ce soir,
Le cœur égratigné,
Et j’ai le désespoir,
Le cœur égratigné,
Et j’ai le désespoir…
 


ELLE VENDAIT DES P'TITS GATEAUX

 (J.Brun / V. Scotto)
 
 Elle était pâtissière,
 Dans la rue du Croissant,
 Ses gentilles petites manières,
 Attiraient les clients,
 On aimait à l'extrême,
 Ses yeux de puits d'amour,
 Sa peau douce comme la crème,
 Et sa bouche, un petit four,
 Et du soir au matin,
 Dans son petit magasin,

 Elle vendait des petits gâteaux,
 Qu'elle pliait bien comme il faut,
 Dans un joli papier blanc,
 Entouré d'un petit ruban,
 En servant tous ses clients,
 Elle se trémoussait bien gentillement,
 Fallait voir comme elle vendait,
 Ses petites brioches au lait.
 
Un jour dans sa boutique,
Un vieux monsieur entra,
D'un petit coup oblique,
Vite, il la remarqua,
Pour parler à la belle,
Il choisit des bonbons,
"donnez-moi, Mademoiselle,
Un cornet de marrons",
Et d'un petitit air malin,
Il en prit deux dans sa main,

Elle vendait des petits gâteaux,
Qu'elle pliait bien comme il faut,
Dans un joli papier blanc,
Entouré d'un petit ruban,
"Je vous offre", dit-il "mon coco",
"Des marrons et mon coeur chaud",
"Coeur chaud", dit-elle, "vous l'avez,
"Mais les marrons sont glacés",

Il s'assit à une table,
Pour manger un petit choux,
Elle se montra aimable,
Elle offrit un peut de tout,
Puis insista, coquette,
Pour qu'il prit du nougat,
Mais lui, hocahnt la tête,
Tristement répliqua,
"A mon âge,voyez-vous,
J'prends plus qu'du caramel mou",

Elle vendait des petits gâteaux,
Qu'elle pliait bien comme il faut,
Dans un joli papier blanc,
Entouré d'un petit ruban,
Le vieux lui faisait les yeux blancs,
Il sauçait en tremblottant,
Dans un verre d'eau et d'orgeat,
Une toute petite langue de chat.

Y'avait trois heures passées,
qu'il était assis là
Elle pensait, énervé.
Il ne partira pas,
Ne sachant plus que faire
Pour le déviser du sol,
Elle lui dit, en colère,
"Mangez ces croqignolles",
Il répond, d'un ton sec,
"Je n'aime pas les gâteaux secs".

Ah non,
Elle vendait des petits gâteaux,
Qu'elle pliait bien comme il fait,
Dans un joli papier blanc,
Entouré d'un petit ruban,
Elle lui dit, d'un petit air doux,
"Ben, mon cher monsieur, si vous
n'aimez pas les gâteaux secs,
Mangez donc de la merde avec"...


Amoureuse

Pour toi soudain le gris du ciel n'est plus si gris,
pour toi soudain le poids des jours n'est plus si lourd.
Voilà que sans savoir pourquoi soudain tu ris,
voilà que sans savoir pourquoi soudain tu vis,
car te voilà, oui te voilà
amoureuse (3x), tellement amoureuse.

C'est vrai, alors le gris du ciel n'est plus si gris,
c'est vrai, alors le poids des jours n'est plus si lourd.
C'est vrai, alors soudain tu sais pourquoi tu ris,
c'est vrai, alors soudain tu sais pourquoi tu vis,
car il est là, oui il est là.
Amoureuse (3x), tellement amoureuse.

Et puis, soudain, le gris du ciel redevient gris,
et puis soudain le poids des jours redevient lourd.
Tout est fini, tout est fini, l'amour se meurt:
il est parti, il est parti et toi, tu pleures,
et c'est fini, oui, c'est fini.
Malheureuse (3x).
Malheureuse (3x), tellement malheuresue.


A mourir pour mourir

Ah, mourir pour mourir je choisis l'âge tendre
et partir pour partir je ne veux pas attendre (bis).
J'aime mieux m'en aller du temps que je suis belle.
Qu'on ne me voie jamais fânée sous ma dentelle (bis).
Et ne venez pas me dire qu'il est trop tôt pour mourir:
avec vos aubes plus claires vous pouvez vous faire lanlaire.

J'ai vu l'or et la pluie sur les forêts d'automne,
les jardins alanguis, les vagues qui se cognent (bis).
Et je sais sur mon cou la main nue qui se pose,
et j'ai su à genoux la beauté d'une rose (bis).
Et tant mieux s'il y en a qui, les yeux pleins de lumière,
ont préfére le combat pour aller se faire lanlaire.

Au jardin du bon Dieu ça n'a plus d'importance
qu'on s'y couche amoureux, ô tombés pour la France! (bis)
Il est d'autres combats que le feu des mitrailles.
On ne se blesse pas qu'à vos champs de bataille (bis)
Et ne comptez pas sur moi s'il faut soulager mes frères;
et pour mes frères, ça ira : j'ai fait ce que j'ai pu faire.

Si c'est peu, si c'est rien, qu'ils décident eux-mêmes.
Je n'espère plus rien, mais je m'en vais sereine (bis)
sur un long voilier noir, la Mort pour équipage.
Demain c'est l'au revoir, je quitte vos rivages. (bis)

Car mourir pour mourir, je ne veux pas attendre,
et partir pour partir, je choisis l'âge tendre.


Au bois de Saint-Amant

Y'a un arbre, je m'y colle
dans le petit bois de Saint-Amant.
Je t'attrape, tu t'y colles,
je me cache, à toi maintenant.

Y'a un arbre, pigeon vole,
dans le petit bois de Saint-Amant
où tournaient nos rondes folles,
pigeon vole, vole, vole au vent.

Dessus l'arbre l'oiseau vole
et s'envole. Voilà le printemps!
Y'a nos quinze ans qui s'affolent
dans le petit bois de Saint-Amant.

Et sous l'arbre sans paroles
tu me berces amoureusement,
et dans l'herbe jupons volent
et s'envolent nos rêves d'enfant.

Mais un beau jour, tête folle,
loin du petit bois de Saint-Amant
et si loin du temps de l'école
je suis partie, vole, vole au vent.

Bonjour l'arbre mauvais, l'arbre,
je reviens, j'ai le coeur content.
Sous tes branches qui se penchent
je retrouve mes rêves d'enfant.

Y'a un arbre, si je meurs,
je veux qu'on m'y couche doucement.
Qu'il soit ma dernière demeure         ]
dans le petit bois de Saint-Amant.    ]  bis

Y'a un arbre, pigeon vole,
mon coeur vole,
pigeon vole et s'envole.
Y'a un arbre, pigeon vole ...


Dis, quand reviendras-tu?

Voilà combien de jours, voilà combien de nuits,
voilà combien de temps que tu es reparti.
Tu m'as dit: "Cette fois, c'est le dernier voyage,
pour nos coeurs déchirés, c'est le dernier naufrage.
Au printemps, tu verras, je serai de retour:
le printemps, c'est joli pour se parler d'amour.
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris,
et déambulerons dans les rues de Paris."

[Refrain]
Dis, quand reviendras-tu?
Dis, au moins, le sais-tu
que tout le temps qui passe
ne se rattrape guère,
que tout le temps perdu
ne se rattrape plus?

Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà,
racle les feuilles mortes, brûle les feux de bois.
A voir Paris si beau dans cette fin d'automne,
soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne.
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine
je vais, je viens, je viens, je tourne, je me traîne.
Ton image me hante, je te parle tout bas
et j'ai le mal d'amour et j'ai le mal de toi.

[Refrain] Dis, quand reviendras-tu ...

J'ai beau t'aimer encore, j'ai beau t'aimer toujours,
j'ai beau n'aimer que toi, j'ai beau t'aimer d'amour,
si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir,
je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs.
Je reprendrai la route, le monde de mes merveilles,
j'irai me réchauffer à un autre soleil.
Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,
je n'ai pas la vertu des femmes de marin.

[Refrain] Dis, mais quand reviendras-tu ...


J'entends sonner les clairons

J'entends sonner les clairons:
c'est le chant des amours mortes.
J'entends battre le tambour:
c'est le glas pour nos amours.
Sur le champ de nos batailles
meurent nos amours déchirées.
Les corbeaux feront ripaille,
j'entends les clairons sonner.
T'as voulu jouer à la guerre
contre qui et pour quoi faire?
J'étais à toi tout entière,
j'étais déjà prisonnière,
mais du matin qui se lève,
du jour à la nuit, sans trêve,
tu voulais ton heure de gloire
et je ne sais quelle victoire.

Entends sonner les clairons:
c'est le chant des amours mortes.
J'entends battre le tambour:
c'est le glas pour nos amours.
Sur le champ de nos batailles
meurent nos amours déchirées.
J'ai lutté vaille que vaille,
mais je n'ai rien pu sauver.
Ci-gît, couché sous la pierre,
tout nu, sans une prière,
notre amour mort à la guerre.
Ah! fallait, fallait pas la faire!
Ci-gît, après tant d'arome
et la moitié d'un automne,
ci-gît, sans même une rose,
notre amour pour qui éclose?

Entends sonner les clairons:
c'est le chant des amours mortes.
J'entends battre le tambour:
c'est le glas pour nos amours.
Va-t'en jouer à la guerre,
va-t'en vouloir la gagner.
Tu m'as perdue tout entière,
tu m'as perdue à jamais!
Tu peux déposer les armes,
oui, j'ai fini de t'aimer.
Il est trop tard pour tes larmes:
entends les clairons sonner!


Göttingen

Bien sûr ce n'est pas la Seine,
ce n'est pas le bois de Vincennes,
mais c'est bien joli quand même
à Göttingen, à Göttingen.

Pas de quais et pas de rengaines
qui se lamentent et qui se traînent,
mais l'amour y fleurit quand même
à Göttingen, à Göttingen.

Ils savent mieux que nous, je pense,
l'histoire de nos rois de France,
Herman, Peter, Helga et Hans
à Göttingen.

Et que personne ne s'offense,
mais les contes de notre enfance,
"Il était une fois" commencent
à Göttingen.

Bien sûr nous, nous avons la Seine
et puis notre bois de Vincennes,
mais Dieu, que les roses sont belles
à Göttingen, à Göttingen.

Nous, nous avons nos matins blêmes
et l'âme grise de Verlaine.
Eux, c'est la mélancolie même
à Göttingen, à Göttingen.

Quand ils ne savent rien nous dire,
ils restent là à nous sourire,
mais nous les comprenons quand même,
les enfants blonds de Göttingen.

Et tant pis pour ceux qui s'étonnent
et que les autres me pardonnent,
mais les enfants, ce sont les mêmes
à Paris ou à Göttingen.

O faites que jamais ne revienne
le temps du sang et de la haine,
car il y a des gens que j'aime
à Göttingen, à Göttingen.

Et lorsque sonnerait l'alarme,
s'il fallait reprendre les armes,
mon coeur verserait une larme
pour Göttingen, pour Göttingen.

Mais c'est bien joli tout de même
à Göttingen, à Göttingen.

Et lorsque sonnerait l'alarme,
s'il fallait reprendre les armes,
mon coeur verserait une larme
pour Göttingen, pour Göttingen.


La ligne droite

Je ne t'attends pas au bout d'une ligne droite:
tu sais, il faudra faire encore des détours
et voir passer des jours et des jours,
mais sans que rien ne vienne éteindre notre hâte.

Il pleut chez moi, chez toi le soleil est de plomb.
Quand pourrons-nous enfin marier nos saisons ?
Quand pourrons-nous rentrer ensemble à la maison ?

  Tes habits porteront des traces de poussière
  et le parfum fang des amours passagères
  qui t'ont rendu parfois l'absence plus légère.

Oh, moi, mon cher amour,bien sûr j''ai eu des hommes
qui m'ont rendu la vie un peu moins monotone,
et m'aident à supporter l'hiver après l'automne.

On ne s'attend pas au bout d'une ligne droite:
tu sais, il faudra faire encore des détours
et voir passer des jours et des jours,
mais sans que rien ne vienne éteindre notre hâte.

  Nous nous raconterons nos triomphes et nos fêtes.
  Mais comment s'avouer nos superbes défaites,
  nos doutes répétés, nos angoisses secrètes?

Un jour, tu seras au bout de mes voyages,
un jour, tu viendras malgré tous les détours.
Nous dormirons ensemble et nous ferons l'amour
dans un monde réinventé à notre image.


Ma plus belle histoire d'amour

Du plus loin que me revienne
l'ombre de mes amours lointaines,
du plus loin du premier rendez-vous,
du temps de mes premières peines,
lors j'avais quinze à peine,
coeur tout blanc et griffes aux genoux,
que ce fût, j'étais précoce
de tendres amours de gosse
ou les morsures d'un amour fou,
du plus loin qu'il m'en souvienne,
si depuis j'ai dit « je t'aime »,
ma plus belle histoire d'amour, c'est vous!

C'est vrai, je ne fus pas sage
et j'ai tourné bien des pages
sans les lire, blanches et puis rien dessus.
C'est vrai, je ne fus pas sage
et mes guerriers de passage,
à peine vus, déjà disparus.
Mais à travers leurs visages
c'était déjà votre image,
c'était vous déjà, et le coeur nu
je refaisais mes bagages
et poursuivais mon mirage.
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.

Sur la longue route qui menait vers vous,
sur la longue route, j'allais le coeur fou.
Le vent de décembre me gelait au cou.
Qu'importait décembre, si c'était pour vous.

Elle fut longue la route,
mais je l'ai faite, la route,
celle-là qui menait jusqu'à vous,
et je ne suis pas parjure
si ce soir je vous jure
que pour vous je l'eus faite à genoux.
Il en eu fallu bien d'autres
que quelques mauvais apôtres,
que l'hiver et la neige à mon cou
pour que je perde patience,
et j'ai calmé ma violence.
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous

Mais tant d'hivers et d'automnes,
de nuits, de jours et personnes,
vous n'étiez jamais au rendez-vous,
et de vous perdant courage,
soudain me prenait la rage.
Mon Dieu, que j'avais besoin de vous!
Que le Diable vous emporte!
D'autres m'ont ouvert leur porte.
Heureuse, je m'en allais loin de vous.
Oui, je vous fus infidèle,
mais vous revenais quand même:
ma plus belle histoire d'amour, c'est vous!

J'ai pleuré mes larmes,
mais qu'il me fut doux!
Oh! Qu'il me fut doux,
ce premier sourire de vous,
et pour une larme qui venait de vous,
j'ai pleuré d'amour, vous souvenez-vous ?

Ce fut un soir en septembre.
Vous étiez venus m'attendre
ici même, vous en souvenez-vous ?
A nous regarder sourire,
à nous aimer sans rien dire
c'est là que j'ai compris tout à coup.
J'avais fini mon voyage
et j'ai posé mes bagages.
Vous étiez venus au rendez-vous.
Qu'importe ce qu'on peut en dire!
Je tenais à vous le dire:
ce soir je vous remercie de vous.
Qu'importe ce qu'on peut en dire!
Tant que je pourrai vous dire:
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous!


Marienbad

Sur le grand bassin du château de l'Idole
un grand cygne noir portant rubis au col.
Il dessinait sur l'eau de folles arabesques.
Les gargouilles pleuraient de leurs rires grotesques.
Un Apollon s'honore de porphyre et d'ébène
datant de Pygmalion assis au pied d'un chêne.

Je me souviens de vous et de vos yeux de jade,
là-bas à Marienbad, là-bas à Marienbad.
Mais où donc êtes-vous ? Où sont vos yeux de jade ?
Si loin de Marienbad, bien loin de Marienbad.

Je portais en ces temps l'étole d'engoulevents
qui chantaient au soleil et dansaient dans l'étang.
Vous aviez les allures d'un Dieu de lune Inca
en ces fièvres, en ces lieux, en ces époques-là,
et moi, pauvre vestale au vent de vos envies,
au coeur de vos dédales, je n'étais qu'Ophélie.

Je me souviens de vous et du temps de ces eaux pâles,
là-bas à Marienbad, là-bas à Marienbad.
Mais où donc êtes-vous pour chanter vos aubades
si loin de Marienbad, bien loin de Marienbad?

C'était un grand château au parc lourd et sombre,
tout propice aux esprits qui habitent les ombres.
Et les sorciers, je crois, y battaient leur sabbat.
Quels curieux sacrifices en ces temps-là!
J'étais un peu sauvage, tu me voulais câline.
J'étais un peu sorcière, tu voulais Mélusine.

Je me souviens de toi et de tes soupirs malades,
là-bas à Marienbad, là-bas à Marienbad.
Mais où donc êtes-vous pour chanter vos aubades
Si loin de Marienbad, bien loin de Marienbad?

Mais si vous m'appeliez un de ces temps prochains
pour parler un instant aux croix de nos chemins.
J'ai changé, sachez-le, mais je suis comme avant
comme me font, me laissent et me défont les temps.
J'ai gardé près de moi l'étole d'engoulevent,
les grandes, grandes soies noires et l'anneau de diamant.

Je serai à votre heure au grand château de jade,
au coeur de vos dédales, là-bas à Marienbad.
Nous danserons encore dans ces folles parades,
là-bas à Marienbad, là-bas à Marienbad.


Nantes

Il pleut sur Nantes, donne-moi la main.
Le ciel de Nantes rend mon coeur chagrin

Un matin comme celui-là,
il y a juste un an déjà,
la ville avait ce teint blafard,
lorsque je sortis de la gare.
Nantes m'était alors inconnu,
je n'y étais jamais venue.
Il avait fallu ce message
pour que je fasse le voyage:
"Madame, soyez au rendez-vous,
25, rue de la Grange-aux-Loups.
Faites vite, il y a peu d'espoir;
il a demandé à vous voir."

A l'heure de sa dernière heure,
après bien des années d'errance,
il me revenait en plein coeur,
son cri déchirait le silence.
Depuis qu'il s'en était allé,
longtemps je l'avais espéré;
ce vagabond, ce disparu,
voilà qu'il m'était revenu.
25, rue de la Grange-aux-Loups,
je m'en souviens du rendez-vous,
et j'ai gravé dans ma mémoire
cette chambre au fond d'un couloir.

Assis près d'une cheminée,
j'ai vu quatre hommes se lever.
La lumière était froide et blanche,
ils portaient l'habit du dimanche.
Je n'ai pas posé de questions
à ces étranges compagnons.
J'ai rien dit, mais à leurs regards
j'ai compris qu'il était trop tard.
Pourtant j'étais au rendez-vous,
25, rue de la Grange-aux-Loups,
mais il ne m' a jamais revu :
il avait déjà disparu.

Voilà, tu la connais, l'histoire:
il était revenu un soir,
et ce fut son dernier voyage,
et ce fut son dernier rivage.
Il voulait avant de mourir
se réchauffer à mon sourire,
mais il mourut à la nuit même
sans un adieu, sans un 'je t'aime'.
Au chemin qui longe la mer,
couché dans le jardin de pierres,
je veux que tranquille il repose.
Je l'ai couché dessous les roses,
mon père, mon père.

Il pleut sur Nantes, et je me souviens.
Le ciel de Nantes rend mon coeur chagrin.


   Pierre
 
    La la ... il pleut. (bis)
 
    Sur les jardins alanguis,
    sur les roses de la nuit
    il pleut des larmes de pluie, il pleut.
    Et j'entends le clapotis
    du passé qui se remplit.
    Oh mon Dieu, que c'est joli, la pluie!
 
    Quand Pierre rentrera,
    tiens, il faut que je lui dise
    que le toit de la remise fuit.
    Il faut qu'il rentre du bois,
    car il commence à faire froid ici.
 
    Mmm ... Pierre ... mon Pierre..
 
    Sur la campagne endormie
    le silence, et puis un cri.
    C'est rien, un oiseau de nuit qui fuit.
    Que c'est beaut cette pénombre,
    le ciel et le feu et l'ombre
    qui se glisse jusqu'à moi sans bruit!
 
    Mmm ...
 
    Une odeur de foin coupé
    monte de la terre mouillée.
    Une auto descend l'allée.
    C'est lui!
    La la la ... mon Pierre.
 
   Si la photo est bonne
 
    Si la photo est bonne,
    juste en deuxième colonne
    y a le voyou du jour
    qu'a une p'tite gueule d'amour.
    Dans la rubrique du vice
    y a l'assassin d'service
    qui n'a pas du tout l'air méchant,
    qu'a plutôt l'œil intéressant.
    Coupable ou non coupable,
    s'il doit se mettre à table,
    que j'aimerais qu'il vienne
    pour se mettre à la mienne.
 
    Si la photo est bonne,
    il vient de sa personne,
    n'a pas plus l'air d'un assassin
    que le fils de mon voisin.
    Ce gibier de potence
    pas sorti de l'enfance,
    va faire sa dernière prière
    pour avoir trop aimé sa mère..
    Bref, on va pendre un malheureux
    qu'avait le cœur trop généreux.
 
    Moi qui suis femme de président,
    j'en ai pas moins d'cœur pour autant.
    De voir tomber des têtes,
    à la fin, ça m'embête,
    et mon mari, le président,
    qui m'aime bien, qui m'aime tant,
    quand j'ai le cœur qui flanche,
    tripote la balance.
 
    Si la photo est bonne,
    qu'on m'amènece jeune homme,
    ce fils de rien, ce tout et pire,
    cette crapule au doux sourire,
    ce grand gosse au cœur tendre
    qu'on n'a pas su comprendre.
    Je sens que je vais le conduire
    sur le chemin du repentir,
    pour l'avenir de la France,
    contre la délinquance.
    C'est bon, je fais le premier geste.
    Que la justice fasse le reste!
    Surtout qu'il soit fidèle,
    surtout je vous rappelle
    à l'image de son portrait,
    qu'il se ressemble trait pour trait.
 
    C'est mon ultime condition
    pour lui accorder mon pardon.
    Qu'on m'amène ce jeune homme,
    si la photo est bonne (3X).
 
    Une petite cantate
 
    Une petite cantate du bout des doigts
    obsédante et maladroite monte vers toi.
    Une petite cantate que nous jouions autrefois,
    seule je la joue maladroite, Si Mi La Re Sol Do Fa.
 
    Cette petite cantate Fa Sol Do Fa
    n'était pas si maladroite quand c'était toi.
    Les notes couraient faciles, heureuses au bout de tes doigts.
    Moi, j'étais si malhabile, Si Mi La Sol Do Fa.
 
    Mais ti es partie fragile vers l'au-delà
    et je reste malhabile, Fa Sol Do Fa.
    Je te revois souriante assise à ce piano-là
    disant: "Bon, je joue, toi, chante, chante, chante-la pour moi.
 
    Si Mi La Re Si Mi LA Re Si Sol Do Fa,
    Si Mi La Re Si Mi LA Re Si Sol Do Fa,
    ô mon amie, ô ma douce, ô ma petite à moi,
    mon Dieu, qu'il est difficile, cette cantate sans toi!
 
    Une petite prière, la la la la,
    avec mon coeur pour la faire et mes dix doigts.
    Une petite prière, mais sans un signe de toi,
    quelle offense! Dieu le père, il me le pardonnera.
 
    Si Mi La Re Si Mi LA Re Si Sol Do Fa,
    Si Mi La Re Si Mi LA Re Si Sol Do Fa.
    Les anges avec leurs trompettes la joueront, joueront pour toi,
    cette petite cantate que nous jouions autrefois.
 
    Les anges avec leurs trompettes la joueront, joueront pour toi,
    cette petite cantate qui monte vers toi (bis).
    Si Mi La Re Si Mi LA Re Si Sol Do Fa.

Mon enfance
 

J'ai eu tort, je suis revenue
dans cette ville loin perdue
ou j'avais passe mon enfance.
J'ai eu tort, j'ai voulu revoir
le coteau ou glissaient le soir
bleus et gris ombres de silence.
Et je retrouvais comme avant,
longtemps apres,
le coteau, l'arbre se dressant,
comme au passe.
J'ai marche les tempes brulantes,
croyant etouffer sous mes pas.
Les voies du passe qui nous hantent
et reviennent sonner le glas.
Et je me suis couchee sous l'arbre
et c'etaient les memes odeurs.
Et j'ai laisse couler mes pleurs,
mes pleurs.

J'ai mis mon dos nu a l'ecorce,
l'arbre m'a redonne des forces
tout comme au temps de mon enfance.
Et longtemps j'ai ferme les yeux,
je crois que j'ai prie un peu,
je retrouvais mon innocence.
Avant que le soir ne se pose
j'ai voulu voir
les maisons fleuries sous les roses,
j'ai voulu voir
le jardin ou nos cris d'enfants
jaillissaient comme source claire.
Jean-Claude, Regine, et puis Jean -
tout redevenait comme hier -
le parfum lourd des sauges rouges,
les dahlias fauves dans l'allee,
le puits, tout, j'ai tout retrouve.
Helas

La guerre nous avait jete la,
d'autres furent moins heureux, je crois,
au temps joli de leur enfance.
La guerre nous avait jetes la,
nous vivions comme hors la loi.
Et j'aimais cela. Quand j'y pense
ou mes printemps, ou mes soleils,
ou mes folles annees perdues,
ou mes quinze ans, ou mes merveilles -
que j'ai mal d'etre revenue -
ou les noix fraiches de septembre
et l'odeur des mures ecrasees,
c'est fou, tout, j'ai tout retrouve.
Helas
 

Il ne faut jamais revenir
aux temps caches des souvenirs
du temps beni de son enfance.
Car parmi tous les souvenirs
ceux de l'enfance sont les pires,
ceux de l'enfance nous dechirent.
Oh ma tres cherie, oh ma mere,
ou etes-vous donc aujourd'hui?
Vous dormez au chaud de la terre.
Et moi je suis venue ici
pour y retrouver votre rire,
vos coleres et votre jeunesse.
Et je suis seule avec ma detresse.
Helas
 

Pourquoi suis-je donc revenue
et seule au detour de ces rues?
J'ai froid, j'ai peur, le soir se penche.
Pourquoi suis-je venue ici,
ou mon passe me crucifie?
Elle dort a jamais mon enfance.


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