Claude Nougaro

Cécile,ma fille

Elle voulait un enfant
Moi je n'en voulais pas
Mais il lui fut pourtant facile
Avec ses arguments
De te faire un papa
Cécile, ma fille

Quand son ventre fut rond
En riant aux eclats
Elle me dit: "Allons, jubile
Ce sera un garçon"
Et te voilà
Cécile, ma fille

Et te voilà… et me voici moi
Moi, j'ai trente ans, toi, six mois
On est nez à nez les yeux dans les yeux
Quel est le plus étonné des deux?

Bien avant que je t'aie
Des fill's j'en avais eues
Jouant mon coeur à face ou pile
De la brune gagnée
A la blonde perduee
Cécile, ma fille

Et je sais que bientôt
Toi aussi tu auras
Des idées et puis des idylles
Des mots doux sur tes hauts
Et des mains sur tes bas
Cécile, ma fille

Moi, je t'attendrai toute la nuit
T'entendrai rentrer sans bruit
Mais au matin c'est moi qui rougirai
Devant tes yeux plus clairs que jamais

Que toujours on te touche
Comme moi maintenant
Comme mon souffle sur tes cils
Mon baiser sur ta bouche
Dans ton sommeil d'enfant
Cécile, ma fille


Toulouse

Qu'il est loin mon pays, qu'il est loin
Parfois au fond de moi se ranime
L'eau verte du canal du Midi
Et la brique rouge des Minimes
Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse

Je reprends l'avenue vers l'école
Mon cartable est bourré de coups de poings
Ici, si tu cognes, tu gagnes
Ici, même les mémés aiment la castagne
Ô mon pays, ô Toulouse

Un torrent de cailloux roule dans ton accent
Ta violence bouillone jusque dans tes violettes
On se traite de con à peine qu'on se traite
Il y a de l'orage dans l'air et pourtant

L'église Saint-Sernin illumine le soir
Une fleur de corail que le soleil arrose
C'est peut-être pour ça malgré ton rouge et noir
C'est peut-être pour ça qu'on te dit Ville Rose

Je revois ton pavé, ô ma cité gasconne
Ton trottoir éventré sur les tuyaux du gaz
Est-ce l'Espagne en toi qui pousse un peu sa corne
Ou serait-ce dans tes tripes une bulle de jazz ?

Voici le Capitole, j'y arrête mes pas
Les tenors enrhumés tremblent sous leurs ventouses
J'entends encore l'écho de la voix de papa
C'était en ce temps-là mon seul chanteur de blues

Aujourd'hui, tes buildings grimpent haut
A Blagnac, tes avions ronflent gros
Si l'un me ramène sur cette ville
Pourrai-je encore y revoir ma pincée de tuiles
Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse


Armstrong

Armstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau
Quand on veut chanter l'espoir quel manque de pot
Oui, j'ai beau voir le ciel, l'oiseau,rien rien rien ne luit là-haut
Les anges, zéro, je suis blanc de peau

Armstrong, tu te fend la poire, on voit toutes tes dents
Moi, je broie plutôt du noir, du noir en dedans
Chante pour moi, Louis, oh oui,
Chante chante chante, ça tient chaud
J'ai froid, oh moi, qui suis blanc de peau

Armstrong, la vie, quelle histoire, c'est pas très marrant
Qu'on l'écrive blanc sur noir ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge, sans sans sans trêve ni repos
Qu'on soit, ma foi, noir ou blanc de peau

Armstrong, un jour, tôt ou tard, on n'est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs? ce serait rigolo
Allez, Louis, alléluia, au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants comme deux gouttes d'eau


Tu verras

Ah, tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras
L'amour, c'est fait pour ça, tu verras, tu verras
Je ferai plus le con, j'apprendrai ma leçon
Sur le bout de tes doigts, tu verras, tu verras
Tu auras ta maison avec des tuiles bleues
Des croisées d'hortensias, des palmiers pleins les cieux
Des hivers crépitants près du chat angora
Et je m'endormirai, tu verras, tu verras
Le devoir accompli, couché tout contre toi
Avec dans mes greniers, mes caves et mes toits
Tous les rêves du monde

Ah, tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras
La vie, c'est fait pour ça, tu verras, tu verras
Tu verras mon stylo emplumé de soleil
Neiger sur le papier l'archange du réveil
Je me réveillerai, tu verras, tu verras
Tout rayé de soleil, Ah! le joli forçat
Et j'irai réveiller le bonheur dans ses draps
Je crèverai son sommeil, tu verras, tu verras
Je crèverai le sommier, tu verras, tu verras
En t'inventant l'amour dans le coeur de mes bras
Jusqu'au matin du monde

Ah, tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras
Le diable est fait pour ça, tu verras, tu verras
Je ferai le voyou, tu verras, tu verras
Je boirai comme un trou et qui vivra mourra
Tu me ramassera dans tes yeux de rosée
Et je t'insulterai dans du verre brisé
Je serai fou furieux, tu verras, tu verras
Contre toi, contre tous et surtout contre moi
La porte de mon coeur grondera, sautera
Car la poudre et la foudre c'est fait pour que les rats
Envahissent le monde

Ah, tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras
Mozart est fait pour ça, tu verras, entendras
Tu verras notre enfant étoilé de sueur
S'endormir gentiment à l'ombre de ses soeurs
Et revenir vers nous sautillant de vigueur
Tu verras, mon amie, dans les eaux de mes bras
Craquer du fin bonheur de se sentir aidé
Tu me verras, chérie, allumé des clartés
Et tu verras tous ceux qu'on croyait décédés
Reprendre souffle et vie dans la chair de ma voix
Jusqu'à la fin du monde
Ah, tu verras, tu verras


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